4. Réflexions et analyses

Peut etre un bon bouquin sur le BTP

  • mai 11, 2012

Chantier interdit au public
Enquête parmi les travailleurs du bâtiment

Nicolas JOUNIN

Le secteur de la construction a souvent défrayé la chronique, mais derrière les éclats des réalisations grandioses, des « affaires » judiciaires, des faits divers tragiques, le quotidien du travail des chantiers demeure obscur. C’est ce quotidien qu’explore ce livre. L’auteur, qui s’est immergé durant une année dans le monde du béton armé parisien, en tant qu’ouvrier, retrace ici l’itinéraire de son enquête. Au fil des expériences et des rencontres, il expose les conditions d’emploi et de travail liées au recours croissant à la sous-traitance et à l’intérim : division des collectifs ouvriers, infériorisation et culpabilisation des sous-traitants et des in-térimaires, pratiques illégales d’employeurs, contradictions pesant sur la sécurité au travail, recours massif à une main-d’œuvre étrangère fragilisée et parfois sans papiers, racisme et discriminations…

L’enquête ébranle au passage certaines idées reçues : beaucoup de précaires ne sont pas instables ; les sans-papiers ne travaillent pas forcément au noir ; les règles de sécurité ne protègent pas toujours les ouvriers… Elle témoigne également des résistances des travailleurs concernés. S’ils s’affrontent rarement à leurs employeurs, ils entretiennent en revanche une révolte souterraine qui peut menacer à l’occasion les constructions et contraindre les employeurs à mettre en œuvre des aménagements. L’implication physique de l’auteur dans son enquête permet une restitution fine des situations rencontrées et offre une immersion impressionnante dans cet univers méconnu du bâtiment.

Contre la ligne Lyon-Turin : tract argumentaire du collectif No Tav-Savoie

  • mai 11, 2012
Le collectif No Tav Savoie propose une synthèse des arguments pour s’opposer à la ligne de train à grande vitesse Lyon-Turin, à partir de ce côté des Alpes, alors que continue en Val Susa, côté italien, une opposition radicale à ce projet.

Pensé depuis 1994, un projet de nou­velle liai­son fer­ro­viaire pré­voit de creu­ser le plus long tunnel d’Europe (57 km) pour faire fran­chir les Alpes à 40 mil­lions de tonnes de mar­chan­di­ses par an (?), et pour faire en prin­cipe gagner du temps aux voya­geurs entre Lyon et Turin (ce qui est faux !). Annoncée pour 2023, cette auto­route fer­ro­viaire pha­rao­ni­que coû­tera au moins 24 mil­liards d’euros (7,7 pour la partie fran­çaise + 6,3 en Italie + 10 pour le tunnel inter­na­tio­nal). Elle impli­que, en plus du tunnel inter­na­tio­nal, le creu­se­ment de tun­nels sous les mas­sifs de Belledonne, de Chartreuse et de l’Epine, et la cons­truc­tion de 200 km de voies nou­vel­les en France.

En Italie, le projet appelé TAV (« treno alta velo­cità ») se heurte à une résis­tance déter­mi­née de tous les habi­tant.es du Val di Susa depuis plus de dix ans. Le chan­tier n’a pas réel­le­ment com­mencé sur les ter­rains du site de la Madalena, puisqu’ils appar­tien­nent encore aux oppo­sant.e.s ita­lien.ne.s, les « No Tav ». Juste à côté, les pel­le­teu­ses sont pro­té­gées par un fortin grillagé et des cen­tai­nes de poli­ciers et sol­dats en per­ma­nence, pour un sur­coût d’au moins 50 000 euros par jour. Le mou­ve­ment No Tav dénonce depuis tou­jours cette mili­ta­ri­sa­tion du Val di Susa au ser­vice d’inté­rêts mafieux, pour un projet à la fois coû­teux, inu­tile et néfaste.

En France, cer­tains croient que la liai­son Lyon-Turin résou­dra tous leurs pro­blè­mes : les habi­tants subis­sant le pas­sage des camions pen­sent que le train va rem­pla­cer les poids-lourds, et les che­mi­nots, vic­ti­mes de la pri­va­ti­sa­tion du fret en 2007, espè­rent défen­dre leur métier en sou­te­nant la LGV. On voit aussi des élus de tous bords, reni­flant le pres­tige qu’ils pour­ront reti­rer du « chan­tier du siècle », en faire la pro­mo­tion.

C’est ainsi que le Lyon-Turin, ce gas­pillage monu­men­tal dont les seuls béné­fi­ciai­res réels seront l’indus­trie fer­ro­viaire, le BTP et l’économie pro­duc­ti­viste, est devenu comme par magie à la fois créa­teur d’emplois, de richesse, et de pureté écologique. Et c’est ainsi que depuis dix ans, les chan­tiers pré­pa­ra­toi­res au projet ont pu avan­cer en Maurienne sans ren­contrer d’oppo­si­tion effi­cace.

Pourtant, tous les éléments concrets indi­quent que cette nou­velle liai­son fer­ro­viaire :

- ne rem­pla­cera pas les poids lourds, mais va au mieux les dépla­cer ailleurs.

- est com­plè­te­ment inu­tile étant donné la sous-uti­li­sa­tion des capa­ci­tés de la ligne fer­ro­viaire his­to­ri­que.

- va affai­blir la situa­tion économique des val­lées

- va pro­vo­quer vingt ans de nui­san­ces le long de son tracé : bruit, pous­siè­res, aug­men­ta­tion des ris­ques d’acci­dents et de pol­lu­tion de l’eau.

- va dégra­der dura­ble­ment les ter­ri­toi­res par ses déblais colos­saux, la cap­ta­tion des eaux sou­ter­rai­nes et le béton­nage d’espa­ces natu­rels et agri­co­les.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voici la syn­thèse de tous ces éléments, issus de sour­ces ins­ti­tu­tion­nel­les dis­po­ni­bles sur inter­net, de la presse, et d’enquê­tes de ter­rain :

Un projet totalement inutile

D’après le dépar­te­ment fédé­ral des Transports de la Confédération Suisse (*), le volume total de mar­chan­di­ses tran­si­tant sur route et rail au Fréjus et au Mont-Cenis est en forte régres­sion depuis dix ans (1 541 000 camions et 25,7 mil­lions de tonnes en 2000 – 1 205 000 camions et 17,7 Mt en 2009 ; pour le rail, on est passé de 8,4Mt à 2,4Mt). Non seu­le­ment l’aug­men­ta­tion de trafic qui ser­vait à jus­ti­fier la ren­ta­bi­lité du projet en 2000 s’avère tota­le­ment illu­soire, mais les capa­ci­tés de la ligne fer­ro­viaire his­to­ri­que depuis sa mise au gaba­rit (18 Mt) sont lar­ge­ment suf­fi­san­tes pour absor­ber ce trafic.

Si la part de marché du fret fer­ro­viaire par rap­port à la route est en régres­sion par­tout en Europe, ce n’est pas pour rien :
- Ouverte à la concur­rence depuis 2007 pour le fret et depuis 2010 pour les voya­geurs, la SNCF est en cours de déman­tè­le­ment. La guerre économique a rem­placé le ser­vice public, d’autres entre­pri­ses se par­ta­gent les rails et les parts de marché, avec à la clé : moins d’emplois, de mau­vai­ses condi­tions de tra­vail et de sécu­rité, et un report massif vers le trans­port rou­tier de mar­chan­di­ses, plus concur­ren­tiel.
- Dans son orga­ni­sa­tion actuelle, l’économie ne peut pas se passer du camion, irrem­pla­ça­ble pour effec­tuer du « juste à temps » et « porte-à-porte » avec des sous-trai­tants éloignés. Et ce d’autant plus que se mul­ti­plient les « zones arti­sa­na­les » dans chaque com­mune et les faveurs des élu.e.s au lobby rou­tier.
- Entre la France et l’Italie plus par­ti­cu­liè­re­ment, un audit des Ponts et Chaussées de 2003 (*) affirme qu’il s’agit d’un trafic essen­tiel­le­ment régio­nal. Les mar­chan­di­ses concer­nées sont trans­por­tées sur moins de 1000 km, dis­tance à partir de laquelle le trans­port fer­ro­viaire devient ren­ta­ble.

Dans ce contexte, le Lyon-Turin ne concur­ren­cera pas réel­le­ment le trans­port rou­tier : Mauriennais, mau­rien­nai­ses, vous aurez les camions ET les wagons.

Et quand bien même le Lyon-Turin absor­be­rait une partie des camions pas­sant par Modane, il encou­ra­ge­rait glo­ba­le­ment le tran­sit de mil­lions de tonnes de mar­chan­di­ses à tra­vers les Alpes, donc l’aug­men­ta­tion du trafic et des camions, par­tout ailleurs. Or l’absur­dité de notre économie pro­duc­ti­viste, son gas­pillage énergétique et ses dégâts humains, sont de plus en plus remis en cause : le Lyon-Turin a un siècle de retard.

Des nuisances durables

Le creu­se­ment du tunnel inter­na­tio­nal pro­duira 18 mil­lions de m³ de déblais, dont 10 mil­lions seront sto­ckés côté fran­çais (*), et dont une bonne part contien­dra de l’amiante et de l’ura­nium (pous­siè­res can­cé­ri­gè­nes). Si l’on ajoute les 64 km des tun­nels sous Chartreuse et Belledonne, on obtient au mini­mum 20 mil­lions de m³ sup­plé­men­tai­res. Pendant le chan­tier, c’est donc l’équivalent de 12 pyra­mi­des de Khéops qu’il faudra dépla­cer et sto­cker en Maurienne, Belledonne et dans le Sillon alpin ! Cela repré­sente à peu près 460 camions-benne tous les jours, pen­dant quinze ans. Au fait, le Lyon-Turin n’était-il pas censé dimi­nuer le nombre de camions dans nos val­lées ?

En jan­vier 2006, des conseillers muni­ci­paux de Lanslebourg-Montcenis inter­pel­laient leur maire après un conseil muni­ci­pal où le Lyon-Turin était à l’ordre du jour : « Les repré­sen­tants de LTF confir­ment que de l’amiante et de l’ura­nium sont bien pré­sents dans les mas­sifs. Ils annon­cent que de 4,5 à 6 mil­lions de m³ de maté­riaux (2 à 3 pyra­mi­des de Khéops) seront trans­por­tés par télé­phé­ri­que depuis Venaus sur le site pro­tégé du Mont-Cenis. Ce seront 5000 m³ de mari­na­ges par jour, et ce 300 jours par an pen­dant 4 ans, qui seront déver­sés dans la car­rière du Paradis. ». Ils expri­ment l’inquié­tude des habi­tants de la vallée, de res­pi­rer les pous­siè­res can­cé­ri­gè­nes issues des bennes et de cette immense butte, située sur un site balayé par des vents vio­lents. Ils ajou­tent : « Les popu­la­tions ne se sont-elles pas oppo­sées en 1983 à une demande de recher­che d’ura­nium sur les sites du Mont-Cenis et d’Ambin ? ».(*)

A Villarodin-Bourget, le creu­se­ment de la des­cen­de­rie de reconnais­sance jusqu’en 2007 a déjà confis­qué toutes les sour­ces d’eau pota­ble ali­men­tant le vil­lage, et créé des lézar­des dans les murs des mai­sons. Lorsque va débu­ter le creu­se­ment du tunnel inter­na­tio­nal en 2013, l’Arc sera coincé entre une butte de déblais de 200m x 400m x 30m de hau­teur (mena­çant de glis­ser dans la rivière et de l’obs­truer), une usine de béton (sup­pri­mant l’unique zone humide per­met­tant d’amor­tir les crues avant Modane) et une nou­velle cen­trale électrique. La com­mune refuse ces nui­san­ces futu­res, et a atta­qué en jus­tice la décla­ra­tion d’uti­lité publi­que des tra­vaux.(*)

Le tunnel inter­na­tio­nal agira comme un gigan­tes­que drain dans le massif d’Ambin, qui modi­fiera les écoulements d’eau sou­ter­rains et conduira à l’assè­che­ment de cer­tai­nes sour­ces. Les eaux d’infil­tra­tion recueillies et évacuées aux extré­mi­tés du tunnel seront à la fois chau­des (de 22°C à 30 °C, ce qui va créer un brouillard per­ma­nent si elles sont sto­ckées en bassin) et char­gées de soufre, donc très pol­luan­tes si elles attei­gnent les riviè­res. (*)

Creuser ce tunnel, c’est accep­ter cette pol­lu­tion de nos écosystèmes de mon­ta­gne, pour tou­jours.

 

Des emplois temporaires

Lyon-Turin Ferroviaire (LTF) a annoncé 10 000 emplois sur dix ans pour l’ensem­ble du projet, dont 3500 pour le tunnel inter­na­tio­nal au maxi­mum du chan­tier. Même avec ce chif­fre très opti­miste (les tra­vaux du tunnel suisse du St-Gothard en 2009 n’ont employé que 1000 per­son­nes en pointe, la plu­part venues d’ailleurs), c’est un inves­tis­se­ment de 2,4 mil­lions d’euros par emploi créé ! A titre de com­pa­rai­son, l’inves­tis­se­ment par emploi créé dans une PME est géné­ra­le­ment de l’ordre de quel­ques dizai­nes de mil­liers d’euros.

Il est très pro­ba­ble que les ingé­nieurs et tech­ni­ciens qua­li­fiés vien­dront de loin, le « sale boulot » étant réservé à la main d’œuvre locale. Car il s’agit de creu­ser à tra­vers un massif conte­nant de l’ura­nium et de l’amiante : LTF peut pro­met­tre ce qu’elle veut, croyez-vous que les ouvriers du tunnel n’en inha­le­ront pas une seule fibre ? Ajoutons que seu­le­ment 13O per­son­nes seront employées dura­ble­ment pour le fonc­tion­ne­ment de l’infra­struc­ture, à partir de… 2023.

Lors du chan­tier de l’auto­route de Maurienne, les entre­pri­ses de BTP natio­na­les ont sous-traité à des entre­pri­ses loca­les à des prix déri­soi­res, ce qui a fra­gi­lisé ces der­niè­res et entraîné leur rachat par de plus gros­ses, avec au final des sup­pres­sions d’emplois. De même après les JO d’Albertville, l’effet spé­cu­la­tif sur l’inte­rim et l’immo­bi­lier a créé une crise locale. Ce phé­no­mène est en fait clas­si­que des grands chan­tiers de trans­ports, qui à terme fra­gi­li­sent plus l’économie locale qu’ils ne la dyna­mi­sent.

À qui profite le désastre ?

Alstom, Bombardier, Vinci, Vossloh Cogifer, Egis, Faiveley, Systra et quel­ques autres : tous sont réunis dans la Fédération des Industries Ferroviaires (la « FIF »), qui sert d’ins­tru­ment de pres­sion sur les gou­ver­ne­ments et les col­lec­ti­vi­tés loca­les. Leurs objec­tifs :
- Empêcher que l’on fasse le bilan des trente der­niè­res années de TGV, qui met­trait en évidence le déca­lage entre nos besoins col­lec­tifs réels (un réseau TER effi­cace et bien entre­tenu) et leur recher­che du profit privé. Surtout, éviter que l’on range le TGV dans la série des déli­res méga­los et néfas­tes, juste à côté du Concorde.
- Construire de nou­vel­les lignes en Europe pour s’en servir de vitrine com­mer­ciale, et gagner des mar­chés à l’étranger. Car sans les grands chan­tiers TGV des pays émergents, ces mas­to­don­tes seraient voués à dis­pa­raî­tre.

Le Lyon-Turin fait partie de ces pro­jets « vitri­nes ». Il n’est pas vrai­ment fait pour servir, c’est plutôt une démons­tra­tion de force de l’indus­trie euro­péenne, pour ce qui est de faire rouler l’acier à 300 km/h, et de détruire notre monde.

« La Transalpine », le lobby du Lyon-Turin, ras­sem­ble de nom­breux grou­pes ban­cai­res et indus­triels (Danone, BASF, EDF…), le Medef, le BTP de Savoie … mais aussi le groupe Norbert Dentressangle, l’un des plus gros trans­por­teurs rou­tiers. Parmi les béné­fi­ciai­res directs du projet, citons aussi le groupe Eiffage et le tun­ne­lier Razel.

À plus long-terme, ce projet enté­rine l’indus­tria­li­sa­tion des espa­ces natu­rels, le gas­pillage énergétique et la pré­do­mi­nance des mar­chan­di­ses sur les per­son­nes. Il affirme la mise en concur­rence des peu­ples et renie pour tou­jours la pos­si­bi­lité d’une économie locale et décente.

Le Lyon-Turin n’est qu’une auto­route de plus, même fer­ro­viaire. Une auto­route qui connec­tera Lyon et Turin au Sillon Alpin, accé­lé­rant ainsi la trans­for­ma­tion de nos ter­ri­toi­res en une ville unique de Genève à Valence.

Nous pen­sons qu’on ne réduira pas le nombre de poids lourds en encou­ra­geant le trans­port de mil­lions de tonnes de mar­chan­di­ses à tra­vers les Alpes, mais plutôt en re-loca­li­sant l’économie. De même, on ne créera pas d’emplois dura­bles dans nos val­lées, à coups de grands pro­jets aussi dévas­ta­teurs que tem­po­rai­res.

Pour toutes ces rai­sons, nous vou­lons l’aban­don pur et simple du Lyon-Turin.

Nous vou­lons un report modal effec­tif du camion vers le train, dès main­te­nant et avec les infra­struc­tu­res exis­tan­tes.

Mais sur­tout, nous vou­lons en finir avec les trans­ports inu­ti­les de mar­chan­di­ses sur de lon­gues dis­tan­ces, et avec l’obses­sion de la grande vitesse.

Collectif No Tav-Savoie, décem­bre 2011

(*) Liens vers nos sour­ces argu­men­tai­res, charte du col­lec­tif et actua­lité de la lutte : http://notav-savoie.over-blog.com

Vinci et le nucléaire : de vrais atomes crochus !

  • janvier 12, 2012

Vinci, pilier du nucléaire

Le nucléaire ne se développe pas pour répondre à nos besoins. Il ne progresse pas non plus à cause de quelques « irresponsables » qui oublient d’éteindre la veilleuse de la télé. Au contraire, il provient d’un véritable système organisé où les plus grands acteurs sont aussi les principaux, voire uniques, bénéficiaires. Parmi ceux-ci, Areva et EDF sont les plus médiatisés, mais on oublie trop souvent que d’autres ont des responsabilités tout aussi importantes. Vinci est le partenaire incontournable d’Areva. Depuis le début du nucléaire français, dans les années 40, Vinci a permis sa réalisation (83 % du parc nucléaire français) et n’a pas cessé d’en faire la promotion et d’en empocher les bénéfices.

Le groupe Vinci s’est imposé dans toute la chaîne du nucléaire. A travers sa filiale Sogea Satom, il exploite avec Areva des mines d’uranium au Gabon et au Niger. Malgré de nombreuses intimidations et une forte répression, les conditions d’exploitation de ces mines ont pu être dénoncées par des travailleurs et des associations . Dès la sortie des mines, les minerais sont acheminés vers l’Europe grâce à des infrastructures de transport réalisées par lui même. Par exemple, la « Route de l’uranium » qui relie Arlit à Tahoua a été réalisée uniquement à cette fin.

Après avoir construit quatre centrales nucléaires sur cinq en France et 60 % des centrales du Royaume Uni, Vinci Construction Grands Projets se lance sur les nouveaux marchés qu’offrent les EPR : Centrale de Flamanville, nouveau programme nucléaire britannique, développement du nucléaire en Inde et en Chine. Leurs contrats ne s’arrêtent pas à la construction, Vinci (Nuvia, Vinci Energie) assure également la maintenance et la prolongation de la durée de vie des centrales.

Omexom se charge pour le compte d’EDF de la transformation haute tension à la sortie des centrales ainsi que de la distribution de l’électricité pour les structures industrielles, ferroviaires et les réseaux de transports.

Le groupe est présent jusqu’à la fin du cycle : Nuvia s’occupe du démantèlement des centrales ainsi que de la gestion des déchets. Il pousse même le cynisme jusqu’à décrocher des contrats après les catastrophes nucléaires : Vinci Construction Grands Projets avec Bouygues Travaux Publics prend en charge le confinement du sarcophage de Tchernobyl, et serait en cours de signer des contrats de reconstruction à Fukushima. En tant qu’expert en catastrophes nucléaires, Vinci sait tirer profit de toutes les situations.
D’ailleurs, comme si tout cela ne suffisait pas, Vinci se vante d’être à la pointe des dernières expérimentations les plus délirantes : la première centrale sur une faille sismique, le projet de fusion nucléaire ITER (Cadarache), le stockage en milieu argileux des déchets radioactifs (Bure), le réacteur d’essai à terre des moteurs des sous-marins nucléaires,…

Le nucléaire, pilier du capital

En dehors des catastrophes et de la problématique des déchets, le nucléaire crée une nuisance bien plus insidieuse. C’est une technologie de pointe qui nécessite un très grand degré de spécialisation. Elle est donc concentrée entre les mains de quelques experts à qui nous sommes condamné-e-s à donner notre confiance. Nous n’avons plus aucun contrôle sur eux et nous nous retrouvons totalement dépossédé-e-s. En cas de renversement de cette société serions-nous en capacité d’arrêter les centrales ?

Le nucléaire civil est étroitement lié au nucléaire militaire, ce n’est pas pour rien que les états occidentaux refusent à l’Iran l’accès à cette technologie. En raison de son potentiel de destruction massive, le développement du nucléaire est accompagné de la militarisation de toute sa filière. Le secret technologique devient alors secret défense et chaque site nucléaire devient une zone militaire. Cadarache en est un bon exemple. Au même titre que le pétrole, l’uranium représente un intérêt économique majeur qui entraîne l’augmentation de la présence militaire française dans les pays producteurs comme le Niger et la Côte d’Ivoire.

Le nucléaire favorise et maintient la grosse industrie. Tout le système de production capitaliste repose sur les capacités énergétiques du nucléaire. Et pour que la machine puisse s’étendre partout sans limite, il faut que des lignes THT tissent leurs toiles à travers le monde. On peut alors aménager chaque portion du territoire, faire des lignes ferroviaires à grande vitesse, des aéroports et autres zones commerciales. Le nucléaire est donc un des principaux piliers du capitalisme.

Dans la concurrence acharnée à laquelle se livrent les États, la France n’avait pas de pétrole, mais des idées. Le nucléaire est donc devenu LE choix stratégique qu’elle porte depuis des années favorisant l’implantation de Vinci et d’Areva aux quatre coins du monde. Lors de ses visites à l’étranger, Sarkozy se fait le premier représentant commercial de Vinci pour vendre des EPR.

 

Vinci capitale du pilier (en béton armé !)

L’activité de Vinci ne se limite pas au nucléaire. Il est le leader mondial de « construction-concession ». Par le biais de milliers de filiales, le groupe Vinci – tout comme Bouygues et Eiffage – agit dans des domaines très variés. Il construit et exploite des autoroutes (Cofiroute, ASF, Escota), des parkings (Vinci park), des terminaux pétroliers, des stades de foot, des aéroports (Vinci Airport), des projets immobiliers (Vinci immobilier) et de nombreux autres aménagements urbains (Eurovia, GTM…). La moitié de son chiffre d’affaire provient de la maintenance des industries. Il est implanté dans une centaine de pays et continue son expansion grâce au rachat continu d’entreprises plus petites.

Certains projets de Vinci rencontrent une opposition plus marquée. C’est le cas de la Ligne Grande Vitesse Sud Europe Atlantique, projet très contesté dans les régions concernées. Plusieurs collectifs et associations organisent des manifestations pour dire stop aux grands projets destructeurs et coordonner des actions en Europe.

L’autoroute que construit Vinci entre Moscou et Saint-Pétersbourg saccage entre autres, à Khimki, la dernière forêt moscovite. Noyé dans la corruption, ce projet d’expansion urbanistique s’impose aux habitants et n’avance qu’à coups de violences policières contre les opposants. Le campement de résistance installé dans la forêt a également été la cible d’attaques par des milices fascistes. Le tabassage, les tortures, les menaces, les inculpations pénales et les assassinats sont certains des moyens de répression mis en œuvre par le capital afin de défendre ses propres intérêts sous prétexte de travaux publics.

A Notre-Dame des Landes (44), depuis 40 ans, un projet d’aéroport international s’inscrit dans une expansion de la métropole Nantes/Saint-Nazaire. Aujourd’hui, Vinci s’est emparé de ce chantier d’aéroport éco-labellisé. Le groupe et ses alliés publics entendent mener les travaux à terme, tout en prétendant respecter une démarche démocratique : par exemple, une enquête publique encadrée par une multitude de gendarmes et de gardes mobiles. Face à cette hypocrisie, les terrains concernés par le projet sont occupés et le combat s’intensifie.

Vinci pose lui-même ses propres alternatives. Ainsi, il s’empare petit à petit du marché de l’éolien et du solaire. Même si ces énergies paraissent plus séduisantes pour beaucoup de personnes, il ne s’agit pas là de remettre en cause le système de production et de distribution de l’électricité. Il s’agit au contraire d’intégrer ces sources d’énergie au système pour pouvoir produire toujours plus. Cela ne va pas nous rendre moins dépendant des grosses entreprises et ne nous aide en rien à gagner en autonomie.

L’État, Vinci et tous les profiteurs n’ont aucun scrupule à répandre la propagande culpabilisante des « gestes eco-responsable ». Quand ils s’enrichissent sur le désastre, si nous sommes responsables de quelque chose, c’est surtout de les laisser nous dicter leurs solutions pour colmater les fissures de l’édifice.

Pour ébranler l’édifice, attaquons ses piliers !

Un blog existe sur Vinci et les luttes qui lui font face. N’hésitez pas à le consulter et à l’enrichir sur http://www.stopvinci.noblogs.org


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Le juteux business des sociétés d’autoroutes

  • octobre 2, 2011

Publié sur www.bastamag.net le 1er février 2011

Malgré les promesses du Grenelle de l’environnement, près de 1.000 kilomètres d’autoroutes supplémentaires vont être construits. Et plus de 8 milliards d’euros investis par l’État pour ces futurs projets. Une bonne nouvelle pour les géants du BTP et sociétés d’autoroutes, qui cultivent secrets tarifaires et bénéfices juteux. Enquête sur un jackpot qui profite à quelques entreprises.

« Vous vous rendez compte ? Un kilomètre d’autoroute, ce sont 10 hectares de terre sacrifiés. Avec le projet de l’A45 entre Lyon et Saint-Étienne, 400 hectares de zones fruitières, maraîchères, viticoles ou naturelles protégées vont être amputées. » Noël Collomb est en colère contre un projet autoroutier, doublon d’une autoroute existante – l’A47 – et longée par une liaison ferroviaire. Co-président de l’association Sauvegarde des Coteaux du Lyonnais, Noël a fait de la lutte contre l’autoroute son cheval de bataille quotidien. À l’entrée de son village, Taluyers, aux portes des monts du Lyonnais, un panneau municipal donne le ton : « Bienvenue dans notre commune, opposée à l’A45 et au contournement autoroutier de Lyon ». 109 autres communes de l’Ouest lyonnais favorables à une alternative aux contournements autoroutiers de Lyon arborent, elles aussi, ce panneau.

« Le projet de l’A45 relève de choix politiques à court terme d’une incohérence totale », critique l’ancien élu local. L’avant-projet de Schéma national des infrastructures de transport (SNIT) rendu public le 27 janvier 2011 par Nathalie Koszciusko-Morizet, la nouvelle ministre de l’Écologie, n’a pas de quoi le rassurer. Ce document prospectif prévoit 732 kilomètres d’autoroutes supplémentaires en France, qui viendront s’ajouter aux quelque 10.000 km existants. 287 km déclarés d’utilité publique restent également à construire. Soit au total une augmentation de près de 10%, alors que la France possède déjà le plus grand réseau autoroutier d’Europe. Au cœur des 200 pages du rapport du SNIT, on retrouve la mention de l’A45 « dont la réalisation s’inscrit dans la nécessaire continuité de l’État ». Et l’esprit du Grenelle dans tout ça ?

Vive le Grenelle… des autoroutes !

« Le changement de paradigme » prôné par le Grenelle de l’environnement, les opposants à l’A45 n’y croyaient pas vraiment. « Le Grenelle propose une rupture (…) La priorité ne sera plus au rattrapage routier mais au rattrapage des autres modes de transports », affirmait Nicolas Sarkozy en 2007. On se souvient aussi de Jean-Louis Borloo, alors ministre de l’Écologie, déclarant : « On n’augmentera plus la capacité routière (…) sauf intérêt local, enjeux de congestion ou de sécurité. » Quatre ans plus tard, grâce à cette série d’exceptions, on a plutôt l’impression de vivre un Grenelle des autoroutes. Augmentation de 10% de la pieuvre autoroutière, report d’une taxe poids lourds censée financer les infrastructures ferroviaires, autorisation donnée aux méga camions de 44 tonnes de circuler sur les routes françaises… Chez les lobbys du BTP et des transports routiers, c’est Noël tous les jours !

À compter du 1er février 2011, les prix aux péages vont augmenter de 2,24% en moyenne. Dans un entretien au Figaro, Jean-François Roverato, président de l’Association professionnelle des autoroutes et ouvrages routiers , dénonce un « prélèvement sur la route au profit du rail ». L’Etat finance les lignes déficitaires de la SNCF par une taxe aux péages des autoroutes, contrepartie négociée lors de la privatisation en 2005. Cette taxe représente seulement 0,32% sur les 2,24% d’augmentation annoncés, soit 35 millions d’euros. Et les 1,92% restants ? Des centaines de millions d’euros qui iront directement dans les poches des sociétés d’autoroutes. Un montant que Jean-François Roverato, également numéro un du groupe Eiffage, qui gère en concession les Autoroutes Paris-Rhin-Rhône (APRR), s’abstient de préciser.

Des profits illimités

Comprendre la logique des tarifs pratiqués par les concessionnaires d’autoroutes relève du parcours du combattant. L’ancien premier président de la Cour des comptes, Philippe Séguin, s’y est essayé. En 2009, dans un croustillant rapport, il critique les pratiques consistant à concentrer les hausses de tarifs sur les tronçons ou trajets les plus fréquentés. « Un surplus de recettes de 1% [qui] représente, à titre indicatif, quelque 60 millions d’euros par an pour les six sociétés » selon le rapport. Des pratiques contestables dans un contexte où il n’existe pas de critères de limitation des profits des sociétés d’autoroutes.

Résultat ? Les 6 sociétés d’autoroutes françaises – APRR, ASF, Cofiroute, Escota, Sanef, SAPN – se portent plutôt (très !) bien avec un chiffre d’affaires en 2010 dépassant les 8 milliards d’euros. La part des recettes de péages dans ce chiffre d’affaires est conséquente. Si l’on se réfère au rapport financier 2009 de la société APRR, les recettes des péages représentent 82% du chiffre d’affaires. Les revenus annuels du directeur général délégué d’APRR ne sont pas en reste : 430.000 euros en 2009. Même constat à Cofiroute, dont les recettes de péages ont progressé de 5% entre 2008 et 2009. Résultat ? Les actionnaires ont empoché plus de 42 millions d’euros de dividendes en avril 2010.

Les trois grandes sociétés d’autoroutes françaises (Cofiroute, Autoroutes Paris-Rhin-Rhône, Autoroutes du Sud de la France) ont réalisé en 2009 un bénéfice cumulé de 1,29 milliard d’euros. Cofiroute, filiale du groupe Vinci, au chiffre d’affaires de 1,2 milliard d’euros, réalise un taux de profit de 24% [1] ! Avec une hausse des tarifs des péages entre 9,7% et 18 % de 2004 à 2010, ces résultats ne sont pas étonnants. « Nous sommes des collecteurs d’impôt à notre corps défendant », s’indigne pourtant Jean-François Roverato. En 2005, les autoroutes ont surtout été privatisées (et bradées à 14 milliards d’euros au lieu de 24 milliards, selon la Cour des comptes) au moment où elles devenaient des « vaches à lait », selon les termes du Canard enchaîné. Avec un paradoxe : « Plus elles sont amorties, plus elles coûtent cher ! »

Un cadeau de 2 milliards

Quand Philippe Séguin a tenté de procéder à une analyse détaillée et par société de l’origine des augmentations de recettes, il raconte s’être heurté à « des difficultés dans le cadre de son contrôle, notamment au moment de la contradiction et en particulier avec le ministère chargé des Transports ». Autrement dit, Jean-Louis Borloo. C’est ce même ministre qui, début 2010, offre un an supplémentaire de concession à ASF, Cofiroute et Escota, toutes trois filiales du groupe Vinci. En prolongeant la concession aux environs de 2030, « ces entreprises n’auront plus un sou de dette et tout ira donc dans la poche des actionnaires », note l’hebdomadaire Marianne.

 

Comment Jean-Louis Borloo justifie t-il ce cadeau estimé à 2 milliards ? Au nom de l’écologie ! Plus d’un milliard de travaux seront réalisés en contrepartie par les sociétés d’autoroutes pour protéger, préserver, sauvegarder, assure son ministère. Au programme : « l’éco-rénovation des aires de repos », « des parkings de co-voiturage »… mais surtout, un investissement massif dans des péages automatiques. Sur les 420 millions d’euros engagés par exemple par ASF dans ce programme, 84 vont à la mise en place de télépéage sans arrêt et 17 à la protection de la biodiversité… L’argument ? En s’arrêtant moins, on crée moins de bouchons et on réduit les émissions de CO2… Et du même coup les effectifs. En sacrifiant les emplois sur l’autel de pseudo « engagements verts », la tentative de tour de passe-passe de Borloo atteint ses limites.

Doubler le trafic à tout prix

À Taluyers, les militants opposés à l’A45 n’ont aucune envie de se laisser berner. Pour eux, l’enveloppe dédiée aux nouvelles autoroutes, 8,4 milliards d’euros pour 732 km – soit 11,5 millions d’euros par kilomètre – est sous-évaluée. « En comparaison, le projet A45 a été chiffré à hauteur de 34 millions d’euros par kilomètre, par le gouvernement Raffarin en 2003. » La conclusion de Noël Collomb est sans appel : ces 8 milliards d’euros sont « des subventions d’équilibre destinées à aider les sociétés autoroutières à financer ces projets, et ce sont les collectivités territoriales qui vont être ponctionnées ».

Des largesses qui, en période de pénurie budgétaire, ne laissent pas d’étonner. Sans compter que l’équilibre financier de chaque nouvelle autoroute est souvent atteint au prix d’une surévaluation de trafic qui peut atteindre 50% du trafic réel. A’Lienor, par exemple, concessionnaire de l’autoroute Pau-Langon, estime que cette section ne sera rentable que si le trafic atteint 14.000 véhicules par jour en 2020, contre 7.500 véhicules/jour actuellement. Même synopsis farfelu pour le projet de l’A45 : le dossier d’enquête préalable table sur l’hypothèse qu’avec la construction de cette nouvelle autoroute, 40% des voyageurs en train reprendraient leur voiture. Miser sur le report du trafic ferroviaire vers la route, ce n’est pas vraiment Grenello-compatible !

« L’autoroute, ça déménage un territoire »

« Les membres du gouvernement affirment que pour redonner du pouvoir d’achat aux Français, il faut les soustraire à leur dépendance au pétrole et développer les transports en commun », rappelle Noël Collomb. Au bout du compte, la déclaration d’utilité publique de l’A45 a été signée par Jean-Louis Borloo en juillet 2008. Les promesses du Grenelle, elles, se sont envolées. Face à une concertation qualifiée de « cosmétique », le réseau Stop-Autoroutes a été lancé en octobre 2010. Les associations membres assurent qu’elles « s’opposeront avec pugnacité aux inaugurations de nouvelles autoroutes prévues et participeront avec ténacité aux débats publics locaux ».

À Taluyers, on ne se résigne pas, loin de là. « Pour nous, la priorité doit être donnée à une politique d’aménagement du territoire qui rapproche le domicile du lieu de travail, explique Noël Collomb. L’autoroute, ça n’aménage pas un territoire, ça le déménage ». À table, les militants réunis discutent du besoin de développer l’agriculture et le commerce local, de promouvoir les moyens de transports collectifs ou bien encore d’encourager le ferroutage sur les longues distances. Et si certains les accusent de vouloir protéger leur jardin et leurs beaux monts du Lyonnais, alors ils se verront répondre que leur jardin, c’est aussi la planète : « De nouvelles autoroutes, ni ici ni ailleurs ».

Sophie Chapelle

Notes

[1] Source : Rue 89. « APRR dégage un résultat net de 349 millions d’euros, ASF s’en sort encore mieux avec un résultat net de 629 millions d’euros, Cofiroute (groupe Vinci) parvient à un résultat net de 310 millions d’euros »